Niamey, 10 avril 2025, huit ans après les faits, la mort de l’étudiant nigérien Mala Bagalé Kelloumi, survenue le 10 avril 2017, reste gravée dans la mémoire collective comme l’un des drames les plus marquants de l’histoire universitaire du Niger. Ce jour-là, une manifestation estudiantine sur le campus de l’Université Abdou Moumouni de Niamey tourne au chaos. L’intervention musclée des forces de l’ordre fait plusieurs blessés, mais c’est la mort de Mala Bagalé, 24 ans, qui cristallise l’indignation nationale.
Mala Bagalé, un jeune homme engagé dans la tourmente
Étudiant en lettres modernes, Mala Bagalé était connu pour son implication dans les activités syndicales et son esprit critique. Le lundi 10 avril, lui et des centaines d’autres étudiants réclamaient de meilleures conditions de vie et d’étude : paiement des bourses, amélioration des infrastructures, respect des droits académiques. Une mobilisation légitime qui va pourtant se heurter à une réponse répressive.
Selon les témoignages recueillis, l’intervention de la gendarmerie pour disperser les manifestants aurait été brutale. Mala Bagalé est grièvement blessé dans des circonstances troubles. Si le gouvernement avance d’abord la thèse d’une chute, la Commission d’Enquête Indépendante — mise en place face à la pression de la société civile — conclura plus tard qu’il a été touché par un tir à bout portant, écartant toute hypothèse accidentelle.
Une onde de choc nationale
La mort de Mala Bagalé provoque une onde de choc dans tout le pays. Les réseaux sociaux s’embrasent. Les universités ferment temporairement. Des veillées de protestation sont organisées dans plusieurs villes. L’Union des Scolaires Nigériens (USN) dénonce un « assassinat » et porte plainte contre X.
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La société nigérienne, souvent confrontée à des tensions entre étudiants et autorités, découvre brutalement la vulnérabilité des jeunes militants. La réaction du pouvoir est scrutée : le président de la République de l’époque, Mahamadou Issoufou, reçoit personnellement la famille de l’étudiant, un geste qui se veut apaisant mais ne suffit pas à calmer les esprits.
Des conséquences durables
Le décès de Mala Bagalé a eu des effets profonds et durables. D’abord, il a renforcé la cohésion du mouvement étudiant nigérien, qui en a fait un symbole de résistance. Ensuite, il a déclenché une réflexion nationale sur la gestion des manifestations, les abus de pouvoir et la formation des forces de l’ordre.
Sur le plan institutionnel, des réformes ont été amorcées dans les années qui ont suivi : encadrement plus strict des interventions policières dans les établissements scolaires, tentatives de dialogue renforcé entre autorités et syndicats étudiants, bien que beaucoup considèrent ces mesures comme insuffisantes.
Une mémoire vivante
Chaque année, le 10 avril, des commémorations sont organisées pour honorer Mala Bagalé. En avril 2023, l’UENUN a célébré le 6e anniversaire de sa disparition. À cette occasion, étudiants, enseignants et membres de la société civile ont réaffirmé leur volonté de poursuivre le combat pour une université plus juste.
Cette commémoration est marquée par « une simulation du corps du défunt qui est présenté devant la gendarmerie, pour rappeler qu’il a été lâchement assassiné, pour leur exprimer notre mécontentement vis-à-vis de l’acte qu’ils ont posé et aussi pour réclamer justice » nous explique Nana Mariama Manmane Djibo, délégué générale adjointe de la commission des affaires féminines de l’Union des Etudiants de l’Université Abdou Moumouni de Niamey (UENUN).
Depuis cet acte elle affirme qu’il y’a une nette amélioration dans le rapport entre étudiants et forces de l’ordre car dit-elle « depuis lors nous n’avons plus assisté à une manifestation pendant laquelle les forces de l’ordre franchisse le territoire universitaire ». Cela montre que la mort de Mala Bagalé n’a pas été vaine.
Mala Bagalé est mort, mais son nom reste gravé dans l’histoire nigérienne comme celui d’un martyr de la jeunesse, tombé pour avoir réclamé ce qui ne devrait jamais être un luxe : la dignité, l’écoute et la justice.
Zeinabou Abdou