Trente ans jour pour jour après la signature des accords de paix du 24 avril 1995, le Niger célèbre ce jeudi 24 avril la Journée nationale de la Concorde. Cette commémoration est l’occasion de dresser le bilan d’une paix qui, bien que souvent mise à l’épreuve, demeure l’un des socles fondamentaux de l’unité nationale.
Au Niger, un accord historique face à une crise identitaire
En 1995, le gouvernement nigérien et les représentants de la rébellion armée touarègue, regroupés au sein de l’Organisation de la Résistance Armée (ORA), paraphent à Niamey un accord de paix censé mettre fin à cinq années de conflit meurtrier dans le nord du pays. Ce processus, amorcé en 1994 à Ouagadougou sous l’égide de médiateurs régionaux, marque un tournant dans l’histoire contemporaine du Niger.
Les principales revendications des insurgés concernaient la marginalisation des régions sahariennes, le sous-développement chronique, et l’absence de représentation équitable au sein de l’appareil étatique. L’accord prévoyait notamment une meilleure décentralisation, l’intégration des ex-combattants dans les forces de défense et de sécurité, et des investissements publics dans les zones anciennement en conflit.
Trois décennies plus tard, plusieurs avancées sont à mettre au crédit de ce processus de paix :
- Réinsertion réussie de centaines d’ex-combattants dans les structures militaires, paramilitaires et civiles.
- Renforcement du processus de décentralisation, même si des disparités régionales subsistent.
- Symboles forts de réconciliation, comme la cérémonie de la Flamme de la Paix à Agadez en 1995.
Le climat de stabilité relatif dans les régions d’Agadez, Tahoua et Tillabéri au cours des années 2000 a permis le retour de nombreuses populations déplacées et la relance de certaines activités économiques, notamment dans le tourisme saharien et l’artisanat.
Des défis toujours présents
Cependant, la concorde nationale reste fragile. La recrudescence des violences intercommunautaires, les attaques terroristes dans le Sahel et la résurgence de revendications identitaires ponctuelles rappellent que la paix ne saurait être considérée comme acquise.
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Certains observateurs notent également un essoufflement des mécanismes de suivi des accords et pointent une application partielle de certaines clauses, notamment sur le développement local et la gouvernance partagée des ressources naturelles, en particulier dans les zones d’exploitation de l’uranium.
Une commémoration entre mémoire et relance politique
La célébration de ce 30e anniversaire intervient dans un contexte de transition politique, avec un gouvernement militaire issu du coup d’État de 2023 toujours en place. Le discours officiel prononcé ce jeudi à Tahoua par le ministre de la Défense a appelé à « une unité d’actions pour sauver la patrie » et au renforcement du contrat social entre l’État et les citoyens.
La société civile, de son côté, insiste sur la nécessité de transformer la mémoire de la Concorde en un outil actif de dialogue, surtout dans un pays confronté à de multiples pressions : économiques, sécuritaires et sociales.
Trente ans après, l’accord du 24 avril 1995 reste une référence. Il a permis de poser les bases d’un vivre-ensemble et d’un dialogue interculturel au Niger. Mais le bilan révèle aussi les limites d’une paix qui reste, trop souvent, dépendante des volontés politiques du moment.
Pour qu’elle soit pérenne, la Concorde nationale doit aujourd’hui dépasser les cérémonies commémoratives et s’inscrire dans des politiques publiques concrètes, inclusives et équitables.