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Tchad : quand la santé du Dr Succès Masra devient une affaire d’État

Succès Masra
Écrit par La Redaction

L’affaire du Dr Succès Masra dépasse désormais la seule question de justice. Elle révèle, une fois de plus, la difficulté du Tchad à séparer le droit de la revanche, la santé de la sanction, l’humain du pouvoir. Arrêté, condamné à vingt ans de prison et aujourd’hui malade, le Dr Succès Masra n’est plus seulement un détenu : il est devenu le miroir de la conscience d’un pays qui vacille entre autorité et dignité.

Son parti, les Transformateurs, a alerté sur la dégradation de son état de santé et réclamé une évacuation sanitaire urgente vers un pays disposant des équipements nécessaires. Son médecin traitant aurait transmis la demande, appuyée par son collectif d’avocats, à toutes les autorités concernées. Une requête restée sans suite.

“Succès Masra se porte bien, et sa santé ne requiert pas une évacuation sanitaire”, tranche pourtant Gassim Chérif Mahamat, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement. Une phrase qui sonne comme une fin de non-recevoir, et qui, dans un pays où la santé publique peine à répondre aux besoins de la population, a tout d’un déni politique. Car refuser l’évacuation du Dr Succès Masra, ce n’est pas seulement nier la gravité de sa situation, c’est aussi nier le droit fondamental à la vie.

Ce refus gouvernemental révèle aussi une confusion persistante entre les pouvoirs exécutif et judiciaire. Alors que la décision relève de la compétence pénitentiaire et médicale, c’est le porte-parole du gouvernement qui y répond, signe d’une gestion politique d’une affaire qui aurait dû rester humaine.

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Le Dr Succès Masra paie ainsi le prix de sa liberté de ton, et son sort devient un test moral pour les autorités tchadiennes. La grandeur d’un État se mesure à sa capacité à protéger ses citoyens, même ceux qui le contestent. En le maintenant dans une prison plutôt que de le transférer vers un hôpital, le pouvoir choisit la fermeté au détriment de la compassion.

Un gouvernement n’est jamais affaibli en sauvant la vie d’un opposant. Il l’est, au contraire, lorsqu’il se montre incapable d’humanité. Le jour où le Tchad comprendra que soigner un adversaire politique ne menace pas le pouvoir, mais renforce la République, il aura franchi le seuil de la maturité politique. Pour l’heure, le refus d’évacuation du Dr Succès Masra restera comme un triste rappel : le pays où l’on rêve de refondation peine encore à refonder sa conscience.

HIGDE NDOUBA Martin 

 

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