C’est une scène rare dans les couloirs feutrés du pouvoir tchadien. Lundi 27 octobre, l’ex-ministre de l’Action sociale, Fatime Boukar Kosseï, a quitté le confort des bureaux ministériels pour la froideur d’une cellule à la maison d’arrêt de Klessoum.
Le juge d’instruction près la Cour suprême a ordonné son placement en détention provisoire, tout comme celui de deux de ses proches collaborateurs. Pour Fatime Boukar Kosseï, c’est le début d’une longue nuit judiciaire, la première d’une série que l’enquête pourrait prolonger.
Selon les éléments communiqués par l’Autorité indépendante de lutte contre la corruption (AILC), l’affaire Fatime Boukar Kosseï porte sur des irrégularités présumées dans l’achat et la distribution de vivres destinés aux populations vulnérables. Les audits de l’AILC pointent des écarts significatifs entre les quantités réceptionnées et celles prévues par les marchés publics. En jeu : plusieurs milliards de francs CFA, alloués entre 2023 et début 2024 dans le cadre de programmes d’urgence sociale.
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Pour les enquêteurs, le schéma est désormais connu : contrats mal ficelés, livraisons partielles, et chaînes de responsabilité opaques. Fatime Boukar Kosseï et ses anciens collaborateurs auraient autorisé ou validé des opérations entachées d’irrégularités, selon les premiers rapports transmis à la justice. Les investigations se poursuivent et pourraient, à terme, atteindre d’autres institutions, notamment l’Office national de sécurité alimentaire (ONASA) et plusieurs prestataires privés.
L’affaire Fatime Boukar Kosseï provoque un mélange de stupeur et de prudence. L’opinion publique, longtemps habituée à voir les grands dossiers de corruption s’enliser, observe avec attention la tournure de cette procédure. Pour certains, c’est le signe d’une volonté réelle de l’État de restaurer la confiance et d’appliquer le principe d’égalité devant la loi. Pour d’autres, le risque d’une instrumentalisation politique reste réel.
HIGDE NDOUBA Martin


